Taranis à la poursuite de l'été

Publié le par Vito

Ambiance hiver sur le blog, avec Alfred, qui chante encore dans la mémoire enfantine...

 

Qu'il est doux, qu'il est doux d'écouter des histoires,

Des histoires du temps passé,

Quand les branches d'arbres sont noires,

Quand la neige est épaisse et charge un sol glacé !

 

Voici donc, pour combattre la noirceur hivernale, une histoire avec de vrais morceaux de soleil dedans. Elle se situe en 2008...

 

En préambule, deux mots sur Taranis, acteur principal de ce récit.

Taranis - du nom du dieu du ciel, de la foudre et du tonnerre chez les gaulois – est un voilier.

Un First 30 pour être plus précis.

First parce que ce modèle fut le premier voilier du chantier vendéen Bénéteau, jusque là cantonné aux bateaux à moteur et autres chalutiers.

30 parce que sa longueur est de 30 pieds, soit un peu plus de neuf mètres.

Taranis est né en 1979. Il avait vingt ans quand nous nous sommes rencontrés et unis pour un sillage commun de treize saisons et pas mal de milles...

Bienvenue à bord !

Taranis à la poursuite de l'été

Septembre.

On commence à entrevoir des espaces entre les pare-chocs dans Argelès-sur-Mer, tout comme entre les caddies aux caisses de l’hyper du coin.

Les mouillages-embouteillages s’éclaircissent. L’heure est au regain. Mon pote Eric, normand pure crème, est en vacances.

Le thème est arrêté : nous partons à la poursuite de l’été…

Notre plan de vol

Notre plan de vol

Argelès-El Port de la Selva (16 milles nautiques)

Taranis va donc mettre du sud dans son cap. Et comme on pouvait s'y attendre, le vent sera sud.

C'est une constante de la navigation à voile : le vent vient très souvent de l'endroit où l'on veut aller.

Le BMS du jour - bulletin météo spécial, le 288e de l’année -, promet un vent de sud force 7 Beaufort pour l’après-midi.

Mais les Baléares nous attendent, pas question de perdre la journée. Donc, courte étape de mise en jambes, et à l’abri.

Peu de vent à hauteur du cap Béar. Yan (c’est le surnom de notre moteur Yanmar) nous aide d'un petit coup de pales, faut pas trop traîner non plus.

A proximité du Cap Cerbère, on grée l’étai largable. Dans la foulée, on y endraille le petit foc solent et on prend un ris dans la grand-voile. Well done ! Le sud annoncé rentre avec une vigueur et une promptitude très costabravesques.

Une paire de bords plus tard, négociés face à un sud 6B de température agréable, l’ancre tombe devant la plage bordant la baie d’El Port de la Selva. Six, sept mètres de fond, très bonne tenue, ça soufflera fort cette nuit...

El Port de la Selva

El Port de la Selva

El Port de la Selva, à l’enracinement nord du cap Creus, c’est Cadaquès sans la frime.

Invraisemblable empilage de maisons blanches à l’est, dominé par l’église dont la voix grêle rythme la nuit jusqu’au départ des chalutiers - qui réveille -, couleur fauve de la montagne à l’ouest dans laquelle on a du mal à distinguer l’ermitage de Sant Pere de Rodes.

Rangées d’antennes vernies des llaüts menorquins, les pointus locaux. Le port à portée d’étrave, au cas où… Commerces à deux coups de pagaie, on peut garer le petit Zodiac qui nous sert d'annexe à moins de vingt mètres du supermercat…  

El Port de la Selva-Palamós (40 Nm)

Comme hier, la brise se lève tard. Yan est de corvée, on passe paisiblement en revue la face nord du cap Creus.

Magnifique chaos de roches, on ne s’en lasse pas. Les bâtiments du club Med sont toujours là, même si le bruit court de leur démolition… Passage intérieur du cap, toujours impressionnant.

Le vent rentre alors que nous sommes bien avancés dans la baie de Rosas. Un bon ENE qui va fraîchir jusqu’à 4B et qui nous permet de passer sans souci la doublette des caps Bagur et San Sebastian, où les zones météo Lion, Baléares et Minorque se rejoignent.

A Palamós, comme à la Selva, on mouille devant la plage, avec la ville et ses commodités à deux pas. L'été, on profite également, en fond sonore matinal, de la zique et des exhortations « Adelante ! Uno ! Dos ! Tres ! Mambo ! » du prof faisant transpirer sur la plage les señoritas qui traquent la surcharge pondérale. 

Taranis ne met plus la quille à Palamós-Levante, marina chicos aux places visiteurs très inconfortables, face à l’entrée.Et n'a jamais testé le port de Palamós lui-même, sinon pour faire du carburant.

On fait souvent de belles rencontres, à Palamós.

On fait souvent de belles rencontres, à Palamós.

Palamós-Pollença (120 Nm)

Si la vie était un long fleuve tranquille, elle ressemblerait à cette traversée. Gracias Eole : secteur NE, un peu ardent en fin de matinée puis constant 2 à 3 B.

On démarre grand largue, et 22 heures plus tard on se glisse sous le massif cap Formentor au bon plein en ayant à peine touché aux écoutes. 

Entre temps, casse-croûte, Grand Prix de Belgique à la radio, apéro, Toulouse-Biarritz, à la radio itou (mais ça c’est du rugby…), dodo entre les quarts. Peu de voisins, et suffisamment lointains, la lune, le clapotis le long de la carène, la vie en First, quoi…

Traversée aller : alizéenne !

Traversée aller : alizéenne !

Pollença est une baie immense, dans laquelle on flotte (sur peu d’eau, 3 à 4 mètres) comme dans un costard trop grand. Peu de bateaux, une partie d’entre eux ayant manifestement terminé la saison. En guise de distraction, évolutions pataudes et pétaradantes d’un petit hydravion.

Equipage à terre, Zodiac au ralenti dans le clapot pour rester secs. Au Reial Club Náutic, une demoiselle fort aimable nous donne à remplir la demande d’autorisation pour mouiller dans l'île de Cabrera, et la faxe elle-même à l’autorité compétente, le Ministerio de Medio Ambiente.

Nous aurons le résultat en rappelant dans quelques jours… Petit tour de courses, le temps de trouver les fameuses ‘Galletas de Inca’ idéales pour tartiner Hénaff, le pâté du mataf'. Noté, pour une autre fois, que l’épicerie Can Jordi livre à bord, si nécessaire… 

Punta de la Avancada et bahia de Pollença

Punta de la Avancada et bahia de Pollença

Pollença-Port de Sóller (35 Nm)

Dans un premier temps, nous avions projeté une arrivée directe à Port de Sóller depuis Palamós. Finalement, nous réinscrivons cette escale au programme en décidant de faire le tour de Mallorca dans le sens antihoraire.

Il faut d’abord remonter les huit milles entre Pollença et la cathédrale de pierre du cap Formentor. NE 2 à 3, gros clapot, pas très rigolo.

La situation s’améliore au début de la côte NW. Mais le temps est tristouille et sur l’avant bâbord, les nuages gris sales dégueulent en cascade par-dessus la barrière montagneuse. Arrivé entre Punta Galera et Punta Beca, la danse commence. Le vent qui vient de la falaise (!) passe de 6 à 26 nœuds en quelques secondes.

On joue de l’enrouleur et de la bosse de ris. Plus rien. On déroule. Nouvelle claque. On enroule en dansant sur un clapot vicelard. Au bout de deux heures de ce manège, de guerre lasse, on joue un bord moteur vers la côte à sec de toile…

La côte ouest de Mallorca fait la gueule

La côte ouest de Mallorca fait la gueule

Et d’un seul coup, nous voilà sortis de la zone turbulente… et en panne de vent. Ceci nous laisse le temps de voir que la goélette-charter qui nous rattrapait au début de la séance sous sa majestueuse voilure a choisi comme nous la 'risée diesel'…

 

Punta de Sa Creu et Port de Soller

Punta de Sa Creu et Port de Soller

Port de Sóller va nous dédommager de cette journée peu gratifiante. Mouillage très sympa devant la marina, bain, spectacle charmant du tramway-jouet, que nous ne manquerons pas d’emprunter jusqu’à Sóller. Huit roros par tête aller-retour pour aller voir la placette ombragée, apparemment douce aux vieux du pays, la gare du Ferrocarril qui héberge un hommage à Joan Miró (avec notamment deux voiles décorées par l’artiste).

Le tramway vintage relie le port à la ville de Soller

Le tramway vintage relie le port à la ville de Soller

Au port, on nous prête l’embout ad hoc et on nous autorise fort gentiment le remplissage d’un jerrycan d’eau et de ce que nous appelons les ‘bouteilles de ponton’, dont l’eau est réservée au café et à la cuisine.

A noter côté météo de fortes bourrasques brûlantes, un orage. Au petit matin le bateau est couvert de poussière ocre…

Port de Sóller-Sant Elm (22 Nm)

Des falaises, des falaises, encore des falaises, et des balaises ! Après deux bords peu productifs dans un vent évanescent, nous devons nous résoudre à les longer au son du diesel.

Elles seraient sûrement belles si le soleil… Mais non !

Du coup, c’est avec plaisir que nous voyons arriver le ‘coin en bas à gauche’ de Mallorca, l’île de Dragonera.

Isla Dragonera, au coin SW de Mallorca

Isla Dragonera, au coin SW de Mallorca

Une paire de milles plus loin, l’îlot Es Pantaleu abrite le mouillage de Sant Elm, où se balancent quelques voiliers et une paire de catamarans. 

Bon mouillage sur fond de sable, bain, apéro, casse-croûte, bain, la dure routine de l’escale s’installe. La partie musicale est assurée par l’Hôtel de la Plage local, et vu la programmation, on peut parier sur la présence dans les murs d’un ou deux cars de cheveux bleus…

Par contre, toutes les annexes de nos voisins de mouillage filent vers l’établissement situé sur le côté nord de la petite baie. Une bonne adresse ? Faudra vérifier ça une prochaine fois.

L'îlot Es Pantaleu abrite le mouillage de Sant Elm

L'îlot Es Pantaleu abrite le mouillage de Sant Elm

Sant Elm-Cala Blanca (5,9 Nm)

Courte, l’étape. On l’a allongée un peu en se faisant le plaisir de tirer un bon bord vers le cap Llebeitx, le ‘museau’ du dragon couché qu’est l’île de Dragonera.

Les eaux se sont peuplées depuis que nous avons tourné le coin de Mallorca et approché de Palma. Nous sommes à ‘Bavarialand’, royaume des croiseurs teutons, king size pour la plupart. Dans les premières semaines de septembre les loueurs font encore recette…

On a contourné Puerto de Andratx sans trop s’approcher. Pas séduits par le secteur, ‘baléarisé’ par des générations de promoteurs auxquels on a lâché la bride !

Du coup, on a choisi pour étape Cala Blanca, car le guide Imray la présente comme ‘pour l’instant non bâtie’. Elle ne l’est toujours pas. Mais cette sauvage n’a pas de grâce particulière, et vu que nous y avons passé une nuit plutôt ‘rouleuse’, il ne se trouvera personne pour la défendre lors de l’établissement de notre hit-parade des escales…   

Cala Blanca-Palma (17 Nm)

Du portant, puis, à partir du coin de Cala Figuera, remontée de la très vaste bahia de Palma, sous génois partiellement roulé et grand-voile à un ris face à un nord/nordet fraîchissant jusqu’à 5B, rafales à 6. Le petit foc solent, préférable, n'est pas à poste, ce qui est une erreur.

On calme le jeu au moment de croiser, dans les cinq derniers milles, le Grand Prix des ferries dont le départ vient apparemment d’être donné. On en compte quatre en une demi-heure, tandis que les avions en approche passent au-dessus de nos têtes toutes les minutes. Qu’est-ce que ce doit être durant la saison d’été…

La cathédrale de Palma domine majestueusement ville et port

La cathédrale de Palma domine majestueusement ville et port

Parmi les trois ou quatre marinas, nous avons choisi le Real Club Nautico. Bonne pioche ! Pompe carburant facile d’accès, place attribuée presque sans souci. Sanitaires nickel, et même une petite voiture de golf électrique qui fait la navette jusqu’à l’entrée/sortie de la marina vers la ville. Appréciée au retour, avec le sac à dos plein de bon manger…

Juste un truc à savoir : il faut produire l’attestation d’assurance du bateau. Une chose qu’on ne nous demande jamais, d’habitude ! Celle de la voiture a fait l’affaire, le numéro de police étant le même. Mais nous étions à deux doigts d'être rejetés.

Ce moment de tension passé, la señorita a été très sympa : elle a appelé sa collègue de Pollença, s’est fait faxer l'autorisation de mouillage à Cabrera que nous y avions déposée, et nous a même traduit les indications portées sur ladite autorisation.

Le voisin, derrière Taranis, c'est Espiritu del Xarey : 140 pieds (43 mètres) de long !

Le voisin, derrière Taranis, c'est Espiritu del Xarey : 140 pieds (43 mètres) de long !

Sésame en poche, c’est le pas et le cœur légers que nous sommes allés flâner un peu dans le secteur du palais de l’Almudaina et de la cathédrale devant laquelle stationne une file de calèches à touristes.

Énorme, la cathédrale ! On a le plaisir d’y retrouver la trace de Gaudí, qui nous emballa à Barcelone en juillet dernier. Bien aimé également la chapelle décorée par Miquel Barceló. Retour ‘flanânt’ à travers les ruelles de la vieille ville, et crochet par le mercat de Santa Catalina pour emplette de produits frais…

La Seu, chef-d'oeuvre du gothique catalan
La Seu, chef-d'oeuvre du gothique catalan

La Seu, chef-d'oeuvre du gothique catalan

Palma-Cala Portals (8 Nm)

Petite traite ensoleillée qu’un N/NW 3 à 4 B nous fait parcourir à bonne allure en laissant sur la fin l’Isla del Sech à bâbord. Nous sommes samedi et quelques belles voiles sillonnent la bahia de Palma.

Cala Portals Vells est un petit bijou. Une partie centrale, trois petites criques avec autant de plages et une eau d’un vert translucide, des rives verdoyantes et sur le flanc nord un minuscule port.

Cala Portals Vells

Cala Portals Vells

Elle est assez peuplée à notre arrivée, week-end oblige.

Un motor-yacht format croiseur lourd à pavillon évidemment exotique est mouillé au beau milieu, et va ravir les ‘contemplatifs des mouillages’ que nous sommes. Un de ses confrères à moteur, beaucoup plus petit, vient taquiner sa coque en relevant son propre mouillage. Mugissement de sirène et ballet du personnel en ticheurte immaculé, à bord et en annexe. Un remue-ménage qui arrache à leurs cocktails le nabab du bord et sa dulcinée.

Plus tard, lors de la manœuvre pour relever ses deux mouillages affourchés, le monstre trahira par de grosses volutes de fumée noire une mécanique fatiguée. Beurk !

Le calme revient avec le soir. Une demi-douzaine de bateaux profitera comme nous d’une nuit paisible.

Cala Portals Vells au matin

Cala Portals Vells au matin

Au matin, équipage à terre pour faire aiguade, comme on disait au temps de Jack Aubrey. Pas de problème pour obtenir l’autorisation de remplir nos bouteilles sur l’unique quai du port. Jusqu’ici, l’avertissement du guide concernant l’eau, rare et payante, semble exagéré.

La promenade sur les hauteurs nord de la cala sera décevante. Pas un troquet, pas une mobylette. Rues désertes, alignement hermétique de murs et de grilles rupinos derrière lesquelles quelques clebs nous interprètent « Passez votre chemin, manants ! » en aboiements majeurs.

Un autochtone, en balade avec un pote français, nous confirme que les proprios du coin, c’est du lourd. Il ajoute qu’il n’y a pas de magasins, juste un casino, et que les restaus sur les petites plages pratiquent des tarifs dissuasifs…

Bon, ben, salut !

Cala Portals-Cala Pi (16,5 Nm)

Nouvelle traversée, transversale W-E cette fois, de la bahia de Palma. Au portant. On démarre avec du NW 2/3 B, qui va fraîchir jusqu’à 5/6 en descendant à l’ouest. Grand-voile un ris, génois roulé au fur et à mesure, le Cap Blanco se rapproche à vive allure. Planquée derrière lui, une paire de bateaux attend que ça se tasse avant de remonter vers Palma.

Cala Pi est une tranchée étroite entre deux falaises. On mouille face à une tour, cul à la rive ouest, sur laquelle on va porter à la nage une amarre.

Cala Pi

Cala Pi

Voisins sympathiques : un groupe  d’allemands qui démarre une semaine de location. Ils étaient à Portals hier soir, comme un ou deux autres bateaux présents ici.

Baignade : la température de l’eau est mesurée à 25°. On ne l’aurait pas rattrapé, par hasard, l’été qu’on poursuivait ?

Balade à terre le lendemain matin. Très sympa, le mouillage vu d’en haut, depuis la tour. Au retour, une supérette très bien pourvue permet une mise à niveau de la cambuse : on sait qu’on ne trouvera rien à Cabrera…

Cala Pi-Puerto de Cabrera (13,7 Nm)

Vent toujours ouest, 2/3 qui va fraîchir à 4. Travers tribord amures,Taranis se régale sous le soleil de la courte traversée vers l’Ile de Cabrera (l’île aux chèvres) la plus importante - avec l’Ile Conejera (l’île aux… cousins du lièvre) - d’un mini-archipel.

Cabrera a hébergé 9000 prisonniers français au moment des guerres napoléoniennes. Réquisitionnée par les militaires au moment de la première guerre mondiale, elle leur a servi de champ de tir jusqu’à son classement au rang de Parc National en 1991.

Le mouillage de Cabrera, vu du château

Le mouillage de Cabrera, vu du château

En se glissant entre le cap Llebeig et la punta de Sa Crueta, sous le château qui domine la passe, on accède à un véritable lac de montagne circulaire, piqueté de cinquante mouillages.

Pour nous (moins de douze mètres) ce sera une bouée blanche, vers l’extrémité sud. Nous n’aurons pas à montrer notre autorisation (pour une unique nuit), l’autorité passe discrètement le soir relever le nom des bateaux présents.

Incontournable balade, la montée (raide) vers le château sera récompensée par une vue absolument magnifique sur l’île et son incroyable port naturel. Seconde récompense, une glace dégustée au minuscule troquet qui tient lieu d’unique commerce. Et nous remporterons à bord notre sac-poubelle : nous avions pourtant lu – mais oublié – qu’il n'y a rien de prévu pour les recueillir ici.

Cabrera-Porto Colom (24 Nm) 

Un bord en direction du sud de l’isla Conejera, un second vers l’isla Redonda, et nous voilà dégagés de l’archipel de Cabrera.

Avec une jolie brise qui va progressivement venir à l’E, nous remontons gaillardement vers le Cabo Salinas – point le plus sud de Mallorca – et la côte Est.

Nous venons de laisser ce cap par le travers. Un bateau de pêche qui le double remonte vers  nous à vive allure. On se dit qu’il va passer pas loin. Puis on trouve bizarre qu’il ne se déroute pas. Puis on pense qu’il le fait exprès.

Lorsqu’il nous dépasse, à moins de dix mètres sur bâbord, et qu’en nous apercevant un des mecs qui bossent à l’arrière se met à gueuler en direction de sa passerelle, on réalise qu’il était très probablement sous pilote, et que le mec censé assuré la veille n’assurait rien du tout…

Légère sueur froide rétrospective…

Porto Colom

Porto Colom

Le vent nous abandonne en vue de Porto Colom. Pas de problème, Yan en profite pour recharger les batteries et bientôt nous nous glissons entre la Punta de Ses Crestas ó de la Farola – j’adore les cartes espagnoles – et la Punta de Sa Batería.

Quelques minutes plus tard, on mouille sur le côté Est du chenal, face au port. Pas mal de monde déjà, et nous ne serons pas les derniers. Contrairement à ce que nous pensions, le mouillage ici n’est pas gratuit. Une señorita en Zodiac nous apporte les formulaires à remplir.

Moyennant quoi, le lendemain matin, dans le minuscule bureau du port, Taranis et son skipper se verront attribuer chacun un numéro d’immatriculation valable dans toutes les Baléares et censé faciliter les prochaines formalités. Coût de l’opération, et de la nuit au mouillage : 3,28 €.

Raisonnable !

Porto Colom-Cala S’Agulla (23,3 Nm) 

Toujours sous le soleil, nous poursuivons la remontée de la côte Est avec une petite brise ESE. Passée la Punta de Amer et le Cabo del Pinar ó del Ratx, nous testons la Cala Canyamel. Mauvaise pioche. Beaucoup trop ouverte au sud-est pour nous garantir une nuit calme.

On opte finalement pour la Cala S’Agulla, juste au-dessus du Cap Pera, angle supérieur droit de Mallorca. Mouillage au coin nord d’une longue plage, dans une eau d’un turquoise lagon assez incroyable. A l’autre coin de la plage – encore très fréquentée, la urbanización de Cala Ratjada exhibe quelques immeubles disgracieux, format CHU.

Finalement ce mouillage se révèlera un brin rouleur, sans être toutefois désagréable. Nous aurions dû pousser jusqu’à la petite Cala Moltó, à une encablure plus au nord, dans laquelle nous ferons d’ailleurs un petit tour en partant le lendemain matin pour confirmer notre impression. En vue d’une visite future.   

Cala S'Agulla

Cala S'Agulla

Cala S’Agulla-Cala Degollador (24 Nm)

Au menu du jour, la traversée du canal de Menorca. Au revoir Majorque, bonjour Minorque. Eole est toujours bien disposé et nous envoie un ESE 2/3, qui va fraîchir à 4. Route directe sur Ciutadella, donc, vers la fin de laquelle nous aurons le plaisir de rattraper et dépasser Silver Bird, qui, comme son nom de l’indique pas, bat pavillon allemand. Belle petite traversée, à 6 nœuds de moyenne.

Tour d’honneur dans le port de Ciutadella. L’accès au quai visiteurs est interdit, la cala d’En Busquets, à bâbord en entrant semble maintenant aménagée. Plus au fond, pas de place.

N’ayant pas gardé un bon souvenir de l’accueil en 2006, on n’insiste pas, et on va mouiller tranquillou dans la cala Degollador, située juste au sud de l’entrée du port. Une limite de baignade empêche désormais de s’avancer vers le fond. Mais avec une amarre arrière à terre, nous sommes bien installés.

La balade en ville, avec pour thèmes l’avitaillement et la recherche - vaine - d’une bouteille de gaz, va nous faire patrouiller – avec beaucoup de plaisir - la vieille ville et ses ruelles serrées autour de Santa Maria, la cathédrale médiévale.

Cala Degollador

Cala Degollador

Cala Degollador-Cala En Porter (19,6 Nm)

Le vent est passé au N/NE. Petite brise qui nous convient parfaitement, une fois de plus. Une heure après avoir quitté le mouillage, nous doublons le Cap d’Artrutx, coin sud ouest de Minorque.

Sous un ciel couvert, route directe ensuite sur Cala En Porter, que nous sommes heureux de retrouver après l’avoir appréciée en 2006. Mouillage sous l’impressionnante falaise, que les longues volées d’escaliers situées près de la plage nous permettent d’escalader.

Pour les commerces, c’est à gauche en haut desdits escaliers. Mais nous partons vers la droite. Le bar Cliff Top est fermé l’après-midi. Dommage, je me faisais une joie de prendre un café à la terrasse en contemplant Taranis, bien sage une quarantaine de mètres au-dessous. Petit tour à l’entrée de la Cova d’en Xoroi, une des discothèques les plus célèbres des Baléares (et plus, si affinités). On verra bien mieux ses balcons naturels au-dessus de la mer en repartant le lendemain matin.

Cala En Porter

Cala En Porter

Cala d’En Porter-Port Mahón (15 Nm)

Au menu du jour, le contournement de l’extrémité sud-est de Minorque, pour rejoindre Mahón, la capitale. Le vent, NNE 2/4 va fraîchir progressivement à 4/5. C’est donc avec un ris dans la GV et un génois roulé (solent une nouvelle fois pas à poste, grrrrrrr !) avant le passage à terre de l’isla del Aire que nous tirerons les quatre bords nous permettant de remonter vers la formidable rade de Mahón.

Parmi les diverses solutions d’escale, nous choisissons l’amarrage – sur pendilles - à l’Isla Clementina, juste en face de la ville. Il s’agit d’une île artificielle, quatre pontons flottants réunis en carré. Ingénieux ! Le ‘trou’ central est la piscine, il y a deux bancs, une table, un barbecue, une douche, quelques plantes en pot, l’enlèvement des sacs poubelles est assuré…

 

La isla Clementina

La isla Clementina

Ambiance très britannique dans cette curieuse communauté, il manque juste un peu de gazon. Manifestement quelques sujets de sa Gracieuse Majesté prennent ici leurs quartiers d’hiver. Tous les matins, le gars de Ribera del Puerto, qui gère ces emplacements, amarre son Zodiac, s’installe à la table et encaisse.

En 2006, nous avions pris le temps de visiter le Fort Marlborough et la forteresse de la Mola. Nous serons plus rapides cette fois-ci, nous contentant d’une longue balade dans la ville après avoir badé un long moment en regardant le demi tour-départ du Boudicca, paquebot des croisières Fred Olsen. Le quai ne restera pas longtemps innocupé : le lendemain au petit dèj’, nous assisterons à l’arrivée du Pacific.

En rade de Mahón

En rade de Mahón

Port Mahon-Addaia (16,4 Nm)

Avant de quitter Mahón, plein de carburant. La station se trouve au fond de la Cala Figuera, à notre droite en sortant.

Eole a dû prendre un RTT. Vent nul, c’est Yan qui s’y colle, sous un ciel gris qui laissera même échapper quelques gouttes de pluie tandis que nous remontons la côte Est.

L’isla Colom et le Cabo Favaritx sont laissés à bâbord. Pour entrer dans la cala d’Addaia, on donne un bon tour à la pointe nord des islotes du même nom, puis, cap au sud, on s’enfonce dans les terres.

La capitainerie du port d'Addaia

La capitainerie du port d'Addaia

Mouillage 1,5 mille plus loin, après avoir laissé à droite le petit port d’Addaia. Dans le haut de l’ensemble touristique local, on trouve un pub irlandais et un supermarché, fermé pour cause de dimanche. Le retour est enchanteur, par le sentier épousant le rivage qui fait le tour de la punta de Sa Torre.

A bord, le calme est impressionnant, on se croirait sur un lac d’Auvergne. Bateau immobile, silence irréel le soir, rompu au matin par des tourterelles qui roucoulent… 

Addaia-Fornells (7 Nm)

Courte étape, qui va nous permettre en rejoignant Fornells de nous positionner pour la traversée retour. Mouillage relevé, sortie du chenal d’Addaia. Vent d’Est 3 B, ciel grisouille. Après une heure au grand largue, on laisse à bâbord le Cabo Pentinat.

Une grosse demi-heure de vent arrière plus tard, nous voici à hauteur de la Punta de Es Morter. A partir de là, nous sommes déventés par le Mola de Fornells. Yan prend le relais des voiles pour nous propulser jusqu’à un coffre situé au sud du port, tout proche de nouveaux pontons.

Equipage à terre en quelques coups de rames. Séquence internet sur le port, dans un bar restau. Avitaillement (deux supermercats dont un Spar). Une pancarte indiquant une poissonnerie, ‘Can Pilar’, nous accroche. Elle semble malheureusement fermée, en plein après-midi. Qu’à cela ne tienne : d’en face, la voisine nous a repérés, nous aborde, et nous fait comprendre qu’elle se charge de faire ouvrir.

Elle se déchaîne et effectivement, quelques minutes plus tard le pêcheur/poissonnier, vraisemblablement arraché à sa sieste mais néanmoins souriant nous débite trois belle tranches de bonite. Il n’aura pas ouvert pour rien : voici qu’arrivent les douze bouches à nourrir du Sun Odyssey 54 DS de la CCAS que nous avons croisé hier à Addaia.

Retour à bord sous la pluie. L’orage arrive, il sera spectaculaire… Festival son et lumière. Rinçage très complet de Taranis par une pluie épaisse. Ambiance fin de vacances garantie...

La rade de Fornells sous la pluie : ambiance fin de vacances

La rade de Fornells sous la pluie : ambiance fin de vacances

Fornells-San Feliu de Guixols (115 Nm)

Fichiers gribs (météo), France Inter et Monaco Radio sont unanimes : la traversée retour se fera face à un nord-est qui oscille, selon les prévisions, entre 3 et 6 B.

Nous sommes mardi matin, Eric a son train samedi soir à Argelès et surtout, une amélioration n’est pas prévue à courte échéance. Quand faut y aller, faut y aller…

Ce seront donc 28 heures de navigation sur la tranche, sous foc solent et GV un ou deux ris, selon les moments. Avec quelques grains violents avant la nuit, du genre qui font fumer la mer et aplatissent les crêtes des vagues.

L’occasion de vérifier combien le First 30 est un bateau sécurisant, et combien la couchette 'cercueil' est dans ces conditions la meilleure du bord. Avec un seul contre-bord d’une paire d’heures dans la nuit, l’atterrissage se fait entre Tossa de Mar et San Feliu de Guixols, que nous rejoignons mercredi en fin d’après-midi.

San Feliu, port très agréable, considérablement modernisé (pontons et catways neufs appuyés à la grande digue, capitainerie flambant neuve) m’avait toutefois bien fâché début juillet avec une nuit à 57,50 €. Mais l’envie d’une bonne douche a fait suspendre le carton rouge alors attribué. Cette fois-ci, le coup de gourdin sera moins appuyé (39,22 €), fin de saison oblige.

San Feliu de Guixols

San Feliu de Guixols

San Feliu- Cala Montjoi (32,5 Nm)

Les conditions sont identiques à celles de la veille. Pas glop pour contourner les trois caps du coin droit de l’Espagne. San Sebastian, Bagur, Negre garantissent une mer cassée, désordonnée.

Mais le soleil est de retour. Progressant lentement vers les Islas Medes, nous sommes rattrapés et déposés par trois voiliers de front (des Halberg-Rassy, je crois) que leurs convoyeurs solitaires, debout à la barre à roue, manette de gaz bien ouverte, font décoller sur les vagues, cap probable sur Empuriabrava. Spectaculaire !

A la tombée de la nuit, après une longue traversée de la large bahia de Rosas, nous nous glissons dans Montjoi. Cette cala - célèbre par le restaurant El Bulli - est un de nos mouillages préférés.

Le lendemain matin, la rituelle prise de température de l’eau avant baignade nous flanque un coup : 18°.  Nous avions rattrapé l’été, mais en notre absence, l’automne s’est avancé !   

Cala Montjoi

Cala Montjoi

Cala Montjoi-Argelès (26,4 Nm)

Le Cabo Norfeu, massif mastoc à gauche en sortant de Montjoi, nous salue d’une grande claque de vent. Nous ne sommes pas surpris : cette roche impressionnante nous fait le coup à chaque fois, quelles que soient les conditions !

Un long bord de près vers l’Est nous permet de déborder le cap Creus, et après avoir viré nous pouvons faire route directe sur le cap Béar, ce qui n’était pas gagné d'avance au vu des prévisions météo.

Vers 17 heures, Taranis retrouve son nid douillet au pied des Albères…

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j'aime me promener ici. un bel univers. venez visiter mon blog. merci
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A
beau blog. un plaisir de venir flâner sur vos pages. une belle découverte et un enchantement.
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G
Sympa la balade ! Et je n'ai même pas eu le mal de mer ! Merci capitaine et merci matelot pour ce voyage au grand air. <br /> GGA
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